jeudi 6 novembre 2008

De la politique extérieure de Barack OBAMA.

Par Jacques Soppelsa,

Barack OBAMA, via un résultat électoral singulièrement spectaculaire (près des deux tiers des Grands Electeurs, ce qui représente sans doute la plus belle surprise du scrutin) est donc devenu le 44ème Président des Etats-Unis d’Amérique. Et tous les Progressistes s’en réjouissent sans réserve, au delà des symboles, eu égard, notamment, à un double phénomène : la panoplie indéniablement très positive des mesures que le futur Président propose dans son programme quant à la nouvelle donne sociale et sociétale ; et, a contrario, les craintes qu'ont suscitées rétrospectivement les options défendues par le candidat républicain, sans parler des positions encore plus rétrogrades véhiculées par son associée Sarah Palin…

Nul ne doute que, au delà des difficultés et des obstacles que le futur Président va rencontrer à partir du 20 Janvier (on oublie encore trop souvent, de ce côté de l’Atlantique, que le Président élu doit attendre près de trois mois avant de succéder au Président sortant, ce qui, dans le contexte contemporain de la mondialisation et dans cette période de lourds défis géoéconomiques et géopolitiques, n’est pas sans susciter quelques problèmes potentiels), tous les progressistes ne souhaitent, dans l’intérêt de l’Amérique en général et des Américains en particulier, la pleine réussite du programme proposé par le candidat Obama.

Nous songeons en premier lieu, naturellement, à la couverture sociale (si dramatiquement négligée, sinon bafouée, par les huit années du régime républicain) avec un coût estimé de la réforme de l‘ordre de 110 milliards de dollars; au secteur (partiellement sinistré) de l’éducation, (un plan de près de 20 milliards de dollars) ; aux mesures en faveur de l’environnement…. Un programme quasi « révolutionnaire » si on le compare effectivement, dans ces différents domaines, à celui de son challenger, même si, mesurées à l’aune de la culture européenne, certaines des positions sociétales du Sénateur de l’Illinois peuvent apparaître comme fort conservatrices : contre les mariages gays, pour le port d’arme, pour la peine de mort pour les crimes les plus graves, pour le renforcement des contrôles aux frontières.

Au plan de la politique étrangère, on a beaucoup glosé sur l’originalité de la feuille de route d’Obama, comparée à celle de McCain : de facto, les différences majeures (et elles sont loin d’être négligeables) semblaient résider dans la question irakienne, avec le «retrait progressif des forces de combat dans un délai de 18 mois, avec maintien de forces résiduelles» et le souhait d’Obama de «dialoguer» avec Téhéran. Pour le reste, (je songe par exemple à la poursuite de la mise en place du «Bouclier Anti Missile», du soutien à la souveraineté israélienne sur Jérusalem, du souhait d’appuyer la création d’un Etat Palestinien ou de la confirmation de fait de l’embargo sur Cuba… il y a peu de différences...
Que l’on nous permette toutefois, à l’échelle de la planète, d’évoquer une hypothèse prospective quelque peu hétérodoxe. La situation financière des States et le budget indispensable, pour les prochaines années, à la concrétisation du programme «interne», sauf miracle de type «multiplication des pains», devraient contribuer, nous semble t’il, à quelques choix drastiques incontournables au plan de la politique étrangère. En termes clairs, si l’Administration Obama veut effectivement traduire dans les faits les promesses du candidat au plan social et sociétal, pour répondre à la vague inouïe d’espoir suscitée ce 4 Novembre, il est probable qu’au plan de la géopolitique externe, elle ne soit conduite à tourner le dos à l’actuelle posture adoptée par les théoriciens du chaos et les partisans des «Etats Unis gendarmes du monde» et à se désengager progressivement, ici où là (y compris en Afrique subsaharienne ou aux marges de l’Europe).
Bref, au pire, à se replier sur le territoire américain (en ressuscitant l’antique politique isolationniste, ce que je ne crois guère) soit, plus vraisemblablement, en changeant radicalement son échelle d’interventionnisme pour concentrer ses efforts (dans tous les sens du terme) sur l’hémisphère américain… Obama, paradoxalement, en apparence, redonnerait ainsi plus ou moins sciemment force et vigueur à la bonne vieille doctrine de «l’Amérique aux Américains», affirmée il y a bientôt deux siècle par le Président James Monroe. Au bénéfice des Etats latino américains? Quant à l’Europe, elle pourrait alors être amenée à conforter ses liens avec Moscou, perspective déjà caressée, apparemment, par Angela Merkel.
Mais ceci, pour l’instant, est une toute autre histoire.