lundi 11 mai 2009

Reflexions sur l'ONU

Écrit par Charles ZORGBIBE - Comité Scientifique

I) Refonder l'ONU

La préoccupation d'efficacité des fondateurs des Nations Unies était apparue, d'emblée, dominante: il importait d'en finir avec la passivité de la Société des Nations entre les deux guerres mondiales. Le projet de nouvelle organisation prend forme à Yalta, au cours des entretiens de Franklin Roosevelt avec Churchill et Staline.
Les trois Grands peuvent dès lors convoquer la conférence constituante, qui s'ouvre à San Francisco, le 25 Avril 1945: la Charte de l'Organisation des Nations Unies est signée le 26 Juin. L'intention des vainqueurs du conflit mondial est de fonder un véritable pouvoir international; en pratique, de maintenir le directoire du temps de guerre!
A Yalta, les trois Grands introduisent dans le projet de Charte les dispositions qui garantiront le maintien de leur prééminence. La SDN n'était qu'un "club" d'Etats souverains et égaux, paralysé par le principe d'unanimité. La nouvelle organisation sera menée par un groupe d'Etats puissants, par un directoire efficace; les "chiens de garde", disait Rosevelt.

L'heure n'est plus à la constitution d'une sorte de "tribunal des nations", mais à la mise en place d'une gendarmerie internationale; selon René Jean Dupuy, l'objectif n'est plus "la paix par le droit" mais "la paix par la police des Grands".

On sait que l'ONU fut l'une des premières victimes de la Guerre Froide.

Le directoire des Grands était annihilé par les vetos répétés de tel de ses membres permanents. Les problèmes Est-Ouest essentiels -de la lancinante question de Berlin à la crise de Cuba et au dossier de la sécurité en Europe- échappaient à l'organisation. Les problèmes Nord-Sud suscitaient l'affrontement par Etats, coalitions ou mouvements de libération interposés, des deux Grands et de leurs alliés.

Les Nations Unies surent parfois s'adapter pour survivre dans ce climat hostile: de la résolution Acheson, qui permit de palier,pendant la guerre de Corée, la défaillance d'un Conseil de Sécurité paralysé, aux opérations de maintien de la paix, mises en place à chaud, lors de la guerre de Suez, selon la formule improvisée par le Premier Ministre canadien Lester Pearson. Mais, en 1982, le déclin des Nations Unies est tel que le Secrétaire Général, Perez de Cuellar, déplore ouvertement "l'érosion de l'autorité et du prestige des institutions intergouvernementales mondiales" et annonce un "nouvel état d'anarchie internationale"!

Sept ans plus tard, en 1989, l'ONU connait un soudain état de grâce: dès lors que l'Est et l'Ouest ne s'opposent plus,la lettre de la Charte de San Francisco peut être appliquée… pour la première fois depuis la création de l'organisation, en 1945! Ses membres permanents providentiellement réunis, le Conseil de Sécurité peut, désormais, voter des résolutions explicites, contraignantes. Pendant un demi siècle, il n'avait pu laisser que des consignes vagues aux Secrétaires généraux successifs, dont l'art consistait à évoluer en souplesse entre l'Est et l'Ouest.La crise provoquée par l'invasion du Koweït permet de découvrir un tout autre Conseil de Sécurité qui entend être "le gendarme", le bras séculier de la communauté internationale, et qui organise le boycott commercial, financier et militaire de l'Irak avant d'autoriser, le 29 Novembre 1990,le recours à la force contre le gouvernement de Bagdad.

Les interventions des forces de l'Alliance atlantique au Kosovo, à partir du 24 Mars 1999, puis de la coalition anglo-américaine en Irak, à partir du 20 Mars 2003, ont reposé le problème du "mandat" de l'ONU et du fondement juridique du déploiement préventif de forces en l'absence d'un tel mandat et à l'encontre de la volonté de l'Etat du territoire. L'ONU s'en trouve délégitimée. Au lendemain immédiat de la guerre d'Irak, la situation de l'ONU est particulièrement difficile. Les Cassandre lui prédisent le destin de la SDN, le naufrage dans l'impuissance… bien qu'en réalité le contexte soit différent.

Une véritable refonte de la Charte des Nations Unies semble nécessaire, voire la convocation d'une nouvelle conférence constituante, un "San Francisco II".

TROIS POINTS essentiels pourraient être rapidement abordés: l'établissement d'une instance indépendante d'évaluation des situations humanitaires; l'autolimitaion des membres permanents du Conseil de Sécurité; le retour au concept de "protection d'humanité.

-Les polémiques qui ont suivi le conflit du Kosovo (l'Alliance atlantique a-t-elle réagi à une épuration ethnique menée par les Serbes ou a-t-elle aggravé, par son intervention, ladite épuration?) sont révélatrices de la défiance que suscitent, dans une partie de l'opinion internationale, les arguments de l'urgence humanitaire. La mise en place, auprès du Conseil de Sécurité, d'une instance indépendante d'évaluation des situations humanitaires constituerait un progrès sur le chemin de la transparence des opérations de maintien ou d'imposition de la paix.

-La Charte rénovée pourrait encourager les membres permanents du Conseil de Sécurité à ne pas recourir au veto lorsque le Conseil serait amené à traiter de graves atteintes aux droits de l'Homme (qui auraient été évalués par l'instance indépendante). Ainsi pourrait naître une véritable obligation d'intervention de la communauté internationale, sur mandat du Conseil de Sécurité.

-Pour les Juristes du XIXème siècle, la "protection d'humanité" était la seule intervention armée licite. Elle se fondait sur "une lésion de la société humaine", la violation des droits humains fondamentaux. De telles situations se multiplient dans le monde de l'après guerre froide. Comment se tenir à la règle traditionnelle de consentement de l'Etat directement concerné lorsque cet Etat n'existe plus, que son appareil s'est effondré, que la sécurité des personnes vivant sur son territoire n'est plus assurée? Après l'évaluation de l'instance indépendante, la qualification de "protection humaine" par le Conseil de Sécurité donnerait une légitimité solennelle à l'intervention de la communauté internationale et à l'établissement d'une sorte de protectorat international.

Au-delà,une conférence de refondation de l'organisation mondiale pourrait comporter QUATRE autres POINTS, à son ordre du jour:

-L'élargissement du Conseil de Sécurité par l'entrée comme membres permanents de "puissances régionales", sur lesquelles un consensus continental serait réalisé, sur le Brésil, par exemple, en Amérique Latine, ou, à défaut, par l'entrée des grandes organisations continentales, l'Union africaine, l'Organisation des Etats américains et une organisation asiatique à créer.

-La création d'un Conseil de Sécurité Economique, à partir des actuels Sommets des pays les plus industrialisés.

-La création, à côté de l'Assemblée Générale, d'une seconde chambre consultative représentant la société civile internationale: centrales syndicales internationales, internationales, politiques, grandes organisations scientifiques, culturelles, économiques, confessionnelles.

-La mise en place d'un "Observatoire de la Démocratie",auprès du Conseil de Sécurité.Dans le cas de crise ou de rupture de la démocratie dans l'un des Etats membres,le Conseil pourrait lancer un avertissement public aux autorités de l'Etat concerné, puis prononcer l'exclusion de l'Etat récalcitrant jusqu'au rétablissement des libertés fondamentales. Ainsi l'ONU deviendrait réellement, selon le projet formulé il y a deux siècles par Emmanuel Kant, une "Société des nations républicaines".



II / Pour une rénovation des Nations-Unies

Charte amendée des Nations Unies. Propositions du groupe de travail "Perez de Cuellar"

Sous la houlette de l'Ambassadeur Javier Perez de Cuellar, ancien Secrétaire Général de l'ONU, un groupe de travail ad hoc a rédigé un projet de "Charte amendée" pour ladite organisation.

Ce groupe était constitué, outre son Président, par quatre membres permanents, le Professeur Charles Zorgbibe, Professeur en Sorbonne, ancien Recteur; le Professeur Jacques Soppelsa, Président honoraire de l'Université de Paris Panthéon-Sorbonne, Président de l'Académie Internationale de Géopolitique; l'Ambassadeur André Lewin, ancien porte parole du Secrétaire Général des Nations Unies et Monsieur Mikhaël Lebedev, Professeur à l'EHEI, avec la collaboration es qualitésd'observateurs invités, comme Monsieur Hassen Fodha, Directeur du Centre Régional d'information des Nations Unies àBruxelles, Madame Patricia Mamet, Juriste, Directrice de Relations Institutionnelles , Madame Ann Parkhouse,de l'Université d'Högskolan, en Suède, et du Docteur Jean Daniel Aba,Professeur à l'Université de Yaoundé.

Les propositions du groupe (outre la suggestion de supprimer notamment le Conseil de tutelle et les mentions "états ennemis") ont porté sur ONZE points:

A) l'inclusion de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et des Pactes relatifs aux Droits de l'Homme dans les principes fondamentaux;

B) l'inclusion dans la Charte de la "responsabilité de protéger";

C) le remplacement de l'exclusion d'un Etat membre par sa suspension et sa mise en observation

D) un statut automatique d'observateur pour un pays candidat dont l'admission serait bloquée par un veto ou par une absence de majorité;

E) des références à la "société civile"

F) des références "aux peuples autochtones";

G) le renforcement et la diversification des mesures que peut prendre le Conseil de sécurité en matière d'opérations de maintien de la paix et des sanctions

H) le remplacement du "Conseil économique et social" par un "Conseil de Sécurité économique et social";

I) le renforcement du rôle du Secrétaire Général, notamment au plan de la coordination des institutions de la Famille des Nations Unies;

J) la mention du consensus comme mode souhaitable d'adoption des résolutions, tant par l'Assemblée Générale que par le Conseil de Sécurité;

K) et, surtout, une réforme drastique du Conseil de Sécurité.

Sur ce dernier point, le groupe de travail propose le maintien des cinq membres permanents originaires dotés d'un droit de véto individuel; la nomination de neuf membres permanents nouveaux (qui devront se regrouper par trois pour exercer leur droit de veto) et l'augmentation à quinze du nombre des membres non permanents.

Les nouveaux membres permanents pourraient être l'Allemagne ou l'Italie, le Japon, l'Inde, l'Afrique du Sud, le Brésil ou l'Argentine, l'Egypte, l'Indonésie et le Mexique.

L'ensemble de ces propositions a été porté à l'attention du Secrétaire Général de l'Organisation des Nations Unies.

lundi 27 avril 2009

Les SSII – la particularité de ce secteur d’activité

Par Alain OVADIA,

Les SSII sont des Sociétés de Services en Ingénierie Informatique.

Le propre de l’activité d’une SSII est de missionner ses salariés auprès de clients pour la réalisation de mission d’une durée plus ou moins longue.

C’est donc en fonction des contrats clients dont elle dispose qu’elle peut positionner ses salariés et donc facturer ses prestations auprès du client.

La particularité de cette activité repose sur le fait que, conformément aux dispositions du Code du Travail, la SSII doit donner du travail à ses salariés, lesquels sont rémunérés selon les dispositions du Code du Travail. Les contrats de travail sont à durée indéterminée et concerne essentiellement des Cadres.

Elle se doit donc de donner des missions à ses salariés et se doit de les rémunérer.

Toutefois, cette activité, totalement dépendante des clients (les banques, les compagnies d’assurances, etc…) dispose d’une vraie particularité qui la distingue des sociétés de travail temporaire. Lorsqu’un salarié n’a pas de mission chez un client, l’employeur maintient le salaire et l’ensemble des droits ouverts aux salariés (acquisition CP, RTT, etc…).

Ainsi, si un salarié se trouve en intermission – c’est-à-dire que la SSII n’a pas de contrat client lui permettant de positionner son salarié et donc être en mesure de facturer un client – la SSII supporte l’intégralité du salaire et des charges afférent à l’emploi de son salarié.

C’est donc un secteur d’activité qui souffre lorsque les clients – grands comptes – gèlent leurs budgets.

Nous le constatons particulièrement dans le secteur bancaire et le secteur automobile.

L’idée qui préserverait ce secteur d’activité et permettrait ainsi de pérenniser les emplois portent sur la « qualification et le traitement de l’intermission ».

En effet, les SSII se voient souvent contraintes lorsque le marché se tend – c’est ce que nous voyons depuis plusieurs mois - de mettre en place des Plans de Sauvegarde de l’Emploi massifs.

Le fonds de commerce d’une SSII, ce sont ses compétences, donc les femmes et les hommes qui la composent.

Or, si la SSII ne peut facturer faute d’un carnet de commande suffisant mais qu’elle se doit de rémunérer des salariés pour lesquels elle ne peut leur fournir un travail, le déséquilibre que cela entraîne est lourd selon le taux d’intermission que celle-ci supporte.

C’est la raison pour laquelle des PSE d’envergure sont mis en place dans notre secteur d’activité.

La conséquence d’un PSE entraîne inévitablement une croissance du chômage dans un secteur d’activité où les SSII sont pourtant des recruteurs reconnus.

Pour pérenniser les emplois et permettre aux SSII de conserver leurs salariés alors qu’elle ne dispose pas de mission pour certains d’entre eux, l’idée serait – spécialement pendant la période d’intermission – de créer une indemnité au profit du salarié qui représenterait 99,99 % du salaire net du salarié et qui viendrait remplacer le salaire au sens propre du terme sachant que l’indemnité ne serait pas soumise à cotisation ni à charges patronales.

En contrepartie, la SSII s’engage à ne pas licencier (PSE).

Ainsi, cette mesure permettrait aux SSII :

- de ne pas mettre en œuvre des PSE de grandes ampleurs, avec la difficulté liée aux critères de licenciement dont il n’est pas reconnu de plus que l’intermission soit un critère,

- donc de préserver les emplois,

- de ne pas léser les salariés en intermission qui conserveront leurs droits à 99,99 %.

jeudi 2 avril 2009

La politique étrangère d'Obama: nouvelle donne géopolitique ?

Par Jacques Soppelsa,

La «géopolitique», on le sait, est une discipline, sinon une science, qui tente de relier entre eux les principaux facteurs dynamiques rendant compte de l’organisation du monde pour aboutir à la synthèse d’une situation politique existante et de ses potentialités («Lexique de géopolitique».Dalloz) Et, parmi ces facteurs, les géopolitologues s’efforcent de distinguer les «tendances lourdes » (facteurs relativement stables) des changements conjoncturels, les « variables ».

Confronté à l’interrogation liminaire « Obama, une nouvelle donne au plan de la politique étrangère? », et au delà des imprécisions incontournables et des dangers de la prospective, notre sentiment penche indubitablement vers la pérennité et le rôle majeur de certaines « tendances lourdes », même si quelques éléments contemporains sont loin d’être négligeables pour, sinon bouleverser, du moins moduler, ici ou là, l’impact desdites tendances lourdes.

1) De quelques tendances lourdes:

En la matière, il ne semble pas totalement incongru de privilégier trois facteurs : le poids de la « destinée manifeste » ; la pérennisation de certaines priorités spatiales », de points d’ancrage hérités du système bipolaire, voire quasi séculaires; la poursuite de la doctrine stratégiques affichée depuis une bonne génération.

A) De la Destinée Manifeste :
On a pu souligner naguère que les Etats-Unis étaient fondamentalement marqués par un triple héritage britannique : l’esprit de liberté (« A is America, land of the free»), l’esprit d’égalité et l’esprit de religiosité.

A l’heure actuelle, sur ce dernier point, et contrairement à ce que l’on peut observer dans maints pays chrétiens d’Europe Occidentale, l’Amérique est plus que jamais imprégnée de religiosité. Avec un puissant corollaire, le rôle, direct ou indirect, du facteur religieux dans la géopolitique nord américaine, au plus haut niveau.

A travers les siècles, l’esprit de religiosité (et sa petite sœur, l’intolérance) ont régulièrement alimenté l’histoire des Etats-Unis. Il suffit de lire ou de relire les discours d’intronisation présidentiels ou les Messages sur l’état de l’Union; tous font explicitement référence («God Bless America»), à ce que Roosevelt appelait le « God Stuff », la sensibilité bigote. Avant de laisser sa place à Eisenhower, Truman, évoquant la Guerre Froide en janvier 1953, s’adresse exclusivement à Dieu, pour lui promettre, que «nous vaincrons jusqu’à Toi et pour Ta Gloire ». Ike rétorque : « Mes compatriotes, je vous demande de vous incliner. Dieu tout puissant, nous t’implorons et nous te proposons notre complet dévouement au service de Ton peuple, présent aujourd’hui devant nous".

Ronald Reagan rappelait, dans son premier message sur l’état de l’Union: «Nous sommes la Nation de Dieu, et je crois profondément que Dieu nous a prédestinés à être libres « (C’est dans le même esprit qu’il désignera l’Union soviétique comme «l’Empire du Démon».

De la doctrine Monroe au message présidentiel de Barack Obama, via les écrits d’un O'Sullivan (1839, the Great Nation of Futurity), le concept de «destinée manifeste» est permanent dans l’histoire des Etats-Unis ; une destinée manifeste que l’on a vu resurgir de manière plus éclatante encore dans la bouche de George W.Bush en 2004 : face à l’hypothèse des menaces potentielles et plurielles sécrétées par les Etats de l’Axe du Mal, il n’hésite pas à réaffirmer avec force : « bénéficiant de multiples vertus démocratiques, les Etats-Unis ont un constant devoir moral à l’égard de l’humanité »

B) de la pérennité de certains points d’ancrage :

En changeant d’échelle,(une notion capitale en géopolitique), certains points d’ancrage demeurent pérennes depuis au moins, un demi-siècle. A titre d’exemples, on peut citer Taïwan ou Panama et, plus significatifs encore, dans des contextes spécifiques, Israël et Cuba.
Israël : la protection nord américaine lui est acquise sans réserve depuis la création de l’Etat hébreu. Une protection partiellement liée, certes, au rôle nullement négligeable de AIPAC (American Israel Political Action Committee) à Washington.
Une protection qui génère aussi toute une gamme de corollaires : intégration de Tel-Aviv dans le schéma de la «Missile Defense» (cf.infra); poids dans les relations «irano américaines» ; (on a du mal à considérer, sauf attitude suicidaire, la posture de l’actuel Président iranien à l’égard d’Israël comme autre chose qu’une stricte gesticulation diplomatique!); élément majeur de la question proche orientale et des relations bilatérales ou multilatérales entretenues par Washington vis-à-vis des puissances arabes de la région ; question palestinienne…

Cuba : depuis plus d’un siècle, la Havane occupe une place à part dans la politique étrangère des Etats-Unis à l’échelle de la Caraïbe et du Golfe du Mexique, ce fameux « lac américain » cher à Reagan. Ancrée au cœur de l’arrière cour des Etats-Unis, Cuba occupait déjà une place originale dans les préoccupations des locataires de la Maison Blanche au début du XXème siècle. Songeons aux propos de Théodore Roosevelt à son égard : «je suis tellement fâché contre cette infernale petite République de Cuba que j’aimerais qu’elle soit rayée de la carte. Tout ce que nous voulons d’eux, c’est qu’ils se comportent bien, qu’ils soient prospères et heureux, de façon à ce que nous n’ayons pas besoin d’intervenir. Et maintenant, voilà qu’ils veulent commencer une révolution complètement injustifiée et inutile, et les choses vont devenir si compliquées que nous serons obligés d’intervenir, ce qui convaincra immédiatement tous les idiots soupçonneux d’Amérique du Sud et d’Europe qu’après tout c’est ce que nous voulions » !Cuba a aggravé son cas avec la révolution castriste de 1959. On connaît la suite, des rampes de missiles soviétiques sous Khrouchtchev jusqu’à l’adoption de la loi d’embargo « Helms Burton ».

C) La poursuite de la doctrine stratégique affichée depuis l’effondrement du système bipolaire :

Depuis la disparition de l’URSS et l’abandon, sous le mandat présidentiel de George H. Bush, du GPALS (Global Protection Against Limited Strikes )(délaissé par Clinton au milieu des «ninetees») la doctrine de «Missile Defense» a pris le relais du programme gigantesque élaboré sous Ronald Reagan il y a un quart de siècle . A vrai dire, GPALS et Missile Defense ne se différencient que par quelques éléments d’ordre strictement techniques. Leurs objectifs géostratégiques et, a fortiori, géopolitique) étaient quasiment identiques. Les efforts de la Maison Blanche, via le Pentagone, sont concentrés désormais sur le développement et la fabrication d’outils stratégiques adaptés aux nouvelles menaces, tout particulièrement celles qui sont susceptibles de venir des «Etats préoccupants » de l’Axe du Mal.Ces derniers (et à notre connaissance, l’Administration Obama n’a pas invalidé le concept) n’ont pas les capacités inter balistiques de feu l’Union Soviétique. Ils ne peuvent pas, que cela soit à Téhéran ou à Pyong Yang, eu égard au contexte géographique, menacer directement, et d’une manière crédible, le territoire américain. Ils peuvent, en revanche, susciter de sérieux soucis aux alliés des Etats-Unis ! D’où l’adoption, depuis bientôt deux décennies, du « National Missile Defense Act » prônant le déploiement d’une défense antimissile de théâtre. Programme mis en place par Bill Clinton, accéléré par Bush Junior au lendemain du drame du 11 Septembre et nullement remis en question par Obama. . Un programme réaffirmant la volonté des Etats-Unis de garantir la protection du parapluie antimissile américain (en le modernisant) à leurs alliés. Se pose aujourd’hui, non pas la question de la poursuite dudit programme mais celle de l’automaticité de ladite protection. Le programme « Missile Defense » révèle un air de famille assez poussé avec l’Initiative de Défense Stratégique. Mais son gabarit est nettement plus réduit. La «MD» vise explicitement des agresseurs potentiellement beaucoup plus modestes que l’ex adversaire soviétique.


2) De quelques variables contemporaines:

Que l’on nous permette ici, à l’échelle de la planète, d’évoquer une hypothèse prospective quelque peu hétérodoxe. La situation financière des States et le budget indispensable, pour les prochaines années, à la concrétisation du programme «interne», sauf miracle de type «multiplication des pains», devraient contribuer, nous semble t-il, à quelques choix drastiques incontournables au plan de la politique étrangère.
Rappelons quelques chiffres, révélateurs de l’ampleur de la crise :

Le déficit américain devrait atteindre en 2009 les 1200 milliards de dollars, soit plus de 8% du PIB. Si l’on ajoute à ce chiffre colossal le coût du plan de relance de Barack Obama, qui devrait s’élever à quelques 800 milliards de dollars, on pourrait atteindre, fin 2009, un déficit budgétaire supérieur à 12% du PIB !

Quant à la balance commerciale des Etats-Unis, elle est plus déficitaire que jamais. En 2008, elle a atteint 750 milliard de dollars, soit 5% du PIB. En termes clairs, si l’Administration Obama veut effectivement traduire dans les faits les promesses du candidat au plan social et sociétal, pour répondre à la vague inouïe d’espoir suscitée le 4 novembre, il est probable qu’au plan de la géopolitique externe, elle ne soit conduite à tourner le dos à la récente posture adoptée par les théoriciens du chaos et les partisans des «Etats-Unis gendarmes du monde », et à se désengager progressivement, ici ou là (y compris en Afrique subsaharienne ou aux marges de l’Europe.

L’expansionnisme euphorisant cher à un Francis Fukuyama est d’ores et déjà obsolète. Au pire, Washington pourrait être amené à se replier sur le territoire nord américain (en ressuscitant l’antique politique isolationniste et en concrétisant la théorie «pessimiste» d’un Paul Kennedy), ce que je ne crois guère).

Le maintien de la présence U.S , au moins à court terme, en Irak et, a fortiori, en Afghanistan, pour toutes les (bonnes) raisons que l’on sait, demeure une option incontournable.
Avec un corollaire de taille : Washington devrait, plus que jamais, multiplier les initiatives pour «partager le fardeau» avec ses Alliés, via, notamment, les nouvelles missions dévolues à l’OTAN ; soit, plus vraisemblablement, en changeant radicalement son échelle d’interventionnisme.

Obama pourrait être tenté, parallèlement audit partage du fardeau de concentrer ses efforts (à tous les sens du terme) sur l’hémisphère américain. Le nouveau Président, paradoxalement en apparence, redonnerait ainsi plus ou moins sciemment, force et vigueur à la bonne vieille doctrine de «l’Amérique aux Américains», affirmée il y a bientôt deux siècles par le Président James Monroe, au «bénéfice» des Etats latino américains.

Quant à l’Europe, elle pourrait alors être amenée à conforter ses liens avec Moscou, perspective déjà caressée, apparemment, par Angela Merkel.

Mais ceci est une autre histoire.

dimanche 1 mars 2009

L'U.P.M. , une nouvelle géostratégie Méditerranéenne

Par Claude LABALUE-BAYLET,

L'Empire Romain : la « Provincia Romana », dans sa diversité : Septimanie, Gaule Narbonnaise, Espagne Tarragonaise et Bétique, la Mauritanie (Algérie, Maroc, Tunisie), outre Méditerranée et les rives hellénistiques et proche orientales, constituent les fondements historiques dans lesquelles notre civilisation puise la plus grande partie de ses racines.

La mer Méditerranée, la « Mare nostrum » est le lien qui unit les pays qui bordent son pourtour
J'ai la ferme conviction que le projet U.P.M. (Union Pour la Méditerranée) est porteur de paix pour l'avenir.

Fidèle à des valeurs humanistes, je souhaite apporter un concours actif à la réalisation de cette construction.

Un premier pas, significatif, a déjà été accompli, le 13 juillet dernier, à l'initiative du Président de la République, Nicolas Sarkozy, à l'occasion de la réunion de la quasi majorité des chefs d'États concernés et dans le cadre de la présidence française de l'Union Européenne.

En instituant l'idée de l'U.P.M., le Président de la République a fait la démonstration d'une attitude volontariste qui va bien au-delà du simple dialogue Nord-Sud - repris à Barcelone - en prenant en compte l'équilibre indispensable entre les pays du Maghreb en particulier, et les Nations du Nord de l'Europe. La décision de mettre en place un Secrétariat Général en est la preuve tangible.

L'exemple passé de la C.E.C.A., et sa réussite, nous montre qu'il est plus que jamais nécessaire de dépasser les conflits géopolitiques, économiques ou religieux, qui ne manqueront pas d'affecter l'U.P.M..

Sa véritable finalité devrait être : la création et la mise en place d'un nouveau système de « gouvernance », qui sera un modèle inspirateur ; la création, de même, d'un grand ensemble géographique - les grands ensembles ont montré leur efficacité dans le domaine de l'économie - qui pourrait servir de modèle à l'Afrique qui se cherche.

Les pays du Maghreb en seraient alors la plate-forme avancée.

Le Président de la République a bien compris toute l'importance de l'enjeu, à savoir : la prise de conscience, par les pays méditerranéens, d'appartenir à une civilisation millénaire, à une communauté de destin, qu'ils partagent, et dont la francophonie sera le vecteur essentiel.

Ma conclusion est que la naissance et le développement d'une entité EURO-MEDITERRANEENNE pourrait valablement suppléer au dialogue Nord-Sud qui, jusqu'ici, a montré ses limites.

mercredi 7 janvier 2009

Pour un Grenelle de la fiscalité

Par Patrick MASSON, Avocat fiscaliste

En évitant le double danger de fragiliser les entreprises qui le sont déjà et de créer de surtaxes qui pourraient avoir pour effet une délocalisation des centres de profit, permettez nous de proposer ici quelques pistes de réflexions susceptibles d'améliorer la donne fiscale dans notre pays:

Un constat, tout d'abord: Les rares entreprises françaises réalisant d'importants profits sont aujourd'hui les entreprises pétrolières, tel que Total.

Aux yeux du public ces profits paraissent indécents alors que le prix des énergies fossiles flambe pour le consommateur (carburant, gasoil domestique).

Ces entreprises en général refusent d'être stigmatisées sur leurs profits en indiquant que pour l'essentiel ils proviennent de résultats qui trouvent leur source hors de l'hexagone et que ces profits sont nécessaires par ailleurs pour effectuer des recherches de gisements pétroliers de plus en plus coûteuses qui ne sont rentables qu'à la condition que le prix des carburants soit cher.

Même si ces arguments ne sont pas dénués de fondement il n'en demeure pas moins vrai que c'est la masse des profits réalisés et l'importance des dividendes distribués qui en ces temps de crise sont les plus mal perçus.

L'autre constat est que la France manque cruellement d'emplois non qualifiés qui ont pour la plupart été délocalisés.

Dans ces conditions, ne pourrait-on pas faire accepter ou imposer que sur le territoire national les carburants soient distribués aux heures ouvrables par des pompistes dont les rémunérations seraient nécessairement prises en charge par les compagnies pétrolières et non par les gérants libres de stations-service.

Je suis persuadé, qu'une telle initiative aurait un impact très positif en termes de communication.

Je permettrai enfin d'oser une réflexion plus générale sur la nécessité de créer des marges budgétaires sans obérer les revenus des ménages et des entreprises.

C'est un sujet relativement tabou en France mais je constate qu'aujourd'hui les patrimoines très conséquents sont transmis sans aucune imposition ou une imposition très faible, alors que les écarts de patrimoine n'ont cessé de se creuser ces 15 dernières années et que corrélativement la part de la valeur ajoutée consacré au travail a baissé de plus de 15 %.

L'analyse de Jacques Attali, dans l'opus qu'il vient de publier, explique que la crise des subprimes trouve son origine dans une pression à la baisse de revenus et dans une incitation à l'endettement des ménages, qui de ce fait sont devenus insolvables.

Cette analyse que je partage suppose qu'il convient d'opérer une redistribution intelligente et je ne suis pas certain que le recours au seul critère de la valeur travail soit suffisant.

Le constat est qu'il faut amorcer une redistribution des patrimoines, et en tout cas solliciter les plus riches d'entre nous pour faire face à un effort de guerre économique et redonner espoir aux citoyens avant que le syndrome grec ne contamine l'Europe.

Pourquoi ne pas imaginer une surtaxe ponctuelle qui viendrait frapper les transmissions de patrimoine (au-delà d'un certain montant), incluant par ailleurs les assurances-vie (également au-dessus d'un certain montant) ?

Cette mesure sans doute peu populaire dans l'électorat traditionnel de droite tombe sous le sens puisqu'elle n’affecterait ni les revenus des ménages ni les profits des entreprises.

À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles.

Avec la pédagogie qui s'impose, l'électorat de "droite" pourrait comprendre une telle mesure, et l’électorat de "gauche" n’aurait rien à ajouter.

Enfin, il conviendrait peut-être d'explorer une autre piste : comment justifier que des plus-values très conséquentes (immeubles détenus depuis plus de 15 ans) soient aujourd'hui totalement exonérées d'impôt sans aucune utilité économique alors que les revenus fonciers sont aujourd'hui taxés à plus de 50 % (au taux marginal) si l'on inclut les prélèvements sociaux et le prélèvement en faveur du RSA, ce qui constitue un frein à l'investissement locatif et qui oblige les pouvoirs publics à mettre en place une multitude de régimes dérogatoires pour inciter les particuliers à se porter sur ce secteur.

Ne pourrait-on essayer de remettre à plat la fiscalité immobilière en baissant le poids des prélèvements obligatoires sur les revenus fonciers au détriment des exonérations de plus-values.

D'autres pistes sont à explorer et je pense sincèrement qu'il ne faudrait pas hésiter à réfléchir à un Grenelle de la fiscalité.