mercredi 7 janvier 2009

Pour un Grenelle de la fiscalité

Par Patrick MASSON, Avocat fiscaliste

En évitant le double danger de fragiliser les entreprises qui le sont déjà et de créer de surtaxes qui pourraient avoir pour effet une délocalisation des centres de profit, permettez nous de proposer ici quelques pistes de réflexions susceptibles d'améliorer la donne fiscale dans notre pays:

Un constat, tout d'abord: Les rares entreprises françaises réalisant d'importants profits sont aujourd'hui les entreprises pétrolières, tel que Total.

Aux yeux du public ces profits paraissent indécents alors que le prix des énergies fossiles flambe pour le consommateur (carburant, gasoil domestique).

Ces entreprises en général refusent d'être stigmatisées sur leurs profits en indiquant que pour l'essentiel ils proviennent de résultats qui trouvent leur source hors de l'hexagone et que ces profits sont nécessaires par ailleurs pour effectuer des recherches de gisements pétroliers de plus en plus coûteuses qui ne sont rentables qu'à la condition que le prix des carburants soit cher.

Même si ces arguments ne sont pas dénués de fondement il n'en demeure pas moins vrai que c'est la masse des profits réalisés et l'importance des dividendes distribués qui en ces temps de crise sont les plus mal perçus.

L'autre constat est que la France manque cruellement d'emplois non qualifiés qui ont pour la plupart été délocalisés.

Dans ces conditions, ne pourrait-on pas faire accepter ou imposer que sur le territoire national les carburants soient distribués aux heures ouvrables par des pompistes dont les rémunérations seraient nécessairement prises en charge par les compagnies pétrolières et non par les gérants libres de stations-service.

Je suis persuadé, qu'une telle initiative aurait un impact très positif en termes de communication.

Je permettrai enfin d'oser une réflexion plus générale sur la nécessité de créer des marges budgétaires sans obérer les revenus des ménages et des entreprises.

C'est un sujet relativement tabou en France mais je constate qu'aujourd'hui les patrimoines très conséquents sont transmis sans aucune imposition ou une imposition très faible, alors que les écarts de patrimoine n'ont cessé de se creuser ces 15 dernières années et que corrélativement la part de la valeur ajoutée consacré au travail a baissé de plus de 15 %.

L'analyse de Jacques Attali, dans l'opus qu'il vient de publier, explique que la crise des subprimes trouve son origine dans une pression à la baisse de revenus et dans une incitation à l'endettement des ménages, qui de ce fait sont devenus insolvables.

Cette analyse que je partage suppose qu'il convient d'opérer une redistribution intelligente et je ne suis pas certain que le recours au seul critère de la valeur travail soit suffisant.

Le constat est qu'il faut amorcer une redistribution des patrimoines, et en tout cas solliciter les plus riches d'entre nous pour faire face à un effort de guerre économique et redonner espoir aux citoyens avant que le syndrome grec ne contamine l'Europe.

Pourquoi ne pas imaginer une surtaxe ponctuelle qui viendrait frapper les transmissions de patrimoine (au-delà d'un certain montant), incluant par ailleurs les assurances-vie (également au-dessus d'un certain montant) ?

Cette mesure sans doute peu populaire dans l'électorat traditionnel de droite tombe sous le sens puisqu'elle n’affecterait ni les revenus des ménages ni les profits des entreprises.

À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles.

Avec la pédagogie qui s'impose, l'électorat de "droite" pourrait comprendre une telle mesure, et l’électorat de "gauche" n’aurait rien à ajouter.

Enfin, il conviendrait peut-être d'explorer une autre piste : comment justifier que des plus-values très conséquentes (immeubles détenus depuis plus de 15 ans) soient aujourd'hui totalement exonérées d'impôt sans aucune utilité économique alors que les revenus fonciers sont aujourd'hui taxés à plus de 50 % (au taux marginal) si l'on inclut les prélèvements sociaux et le prélèvement en faveur du RSA, ce qui constitue un frein à l'investissement locatif et qui oblige les pouvoirs publics à mettre en place une multitude de régimes dérogatoires pour inciter les particuliers à se porter sur ce secteur.

Ne pourrait-on essayer de remettre à plat la fiscalité immobilière en baissant le poids des prélèvements obligatoires sur les revenus fonciers au détriment des exonérations de plus-values.

D'autres pistes sont à explorer et je pense sincèrement qu'il ne faudrait pas hésiter à réfléchir à un Grenelle de la fiscalité.