jeudi 6 novembre 2008

De la politique extérieure de Barack OBAMA.

Par Jacques Soppelsa,

Barack OBAMA, via un résultat électoral singulièrement spectaculaire (près des deux tiers des Grands Electeurs, ce qui représente sans doute la plus belle surprise du scrutin) est donc devenu le 44ème Président des Etats-Unis d’Amérique. Et tous les Progressistes s’en réjouissent sans réserve, au delà des symboles, eu égard, notamment, à un double phénomène : la panoplie indéniablement très positive des mesures que le futur Président propose dans son programme quant à la nouvelle donne sociale et sociétale ; et, a contrario, les craintes qu'ont suscitées rétrospectivement les options défendues par le candidat républicain, sans parler des positions encore plus rétrogrades véhiculées par son associée Sarah Palin…

Nul ne doute que, au delà des difficultés et des obstacles que le futur Président va rencontrer à partir du 20 Janvier (on oublie encore trop souvent, de ce côté de l’Atlantique, que le Président élu doit attendre près de trois mois avant de succéder au Président sortant, ce qui, dans le contexte contemporain de la mondialisation et dans cette période de lourds défis géoéconomiques et géopolitiques, n’est pas sans susciter quelques problèmes potentiels), tous les progressistes ne souhaitent, dans l’intérêt de l’Amérique en général et des Américains en particulier, la pleine réussite du programme proposé par le candidat Obama.

Nous songeons en premier lieu, naturellement, à la couverture sociale (si dramatiquement négligée, sinon bafouée, par les huit années du régime républicain) avec un coût estimé de la réforme de l‘ordre de 110 milliards de dollars; au secteur (partiellement sinistré) de l’éducation, (un plan de près de 20 milliards de dollars) ; aux mesures en faveur de l’environnement…. Un programme quasi « révolutionnaire » si on le compare effectivement, dans ces différents domaines, à celui de son challenger, même si, mesurées à l’aune de la culture européenne, certaines des positions sociétales du Sénateur de l’Illinois peuvent apparaître comme fort conservatrices : contre les mariages gays, pour le port d’arme, pour la peine de mort pour les crimes les plus graves, pour le renforcement des contrôles aux frontières.

Au plan de la politique étrangère, on a beaucoup glosé sur l’originalité de la feuille de route d’Obama, comparée à celle de McCain : de facto, les différences majeures (et elles sont loin d’être négligeables) semblaient résider dans la question irakienne, avec le «retrait progressif des forces de combat dans un délai de 18 mois, avec maintien de forces résiduelles» et le souhait d’Obama de «dialoguer» avec Téhéran. Pour le reste, (je songe par exemple à la poursuite de la mise en place du «Bouclier Anti Missile», du soutien à la souveraineté israélienne sur Jérusalem, du souhait d’appuyer la création d’un Etat Palestinien ou de la confirmation de fait de l’embargo sur Cuba… il y a peu de différences...
Que l’on nous permette toutefois, à l’échelle de la planète, d’évoquer une hypothèse prospective quelque peu hétérodoxe. La situation financière des States et le budget indispensable, pour les prochaines années, à la concrétisation du programme «interne», sauf miracle de type «multiplication des pains», devraient contribuer, nous semble t’il, à quelques choix drastiques incontournables au plan de la politique étrangère. En termes clairs, si l’Administration Obama veut effectivement traduire dans les faits les promesses du candidat au plan social et sociétal, pour répondre à la vague inouïe d’espoir suscitée ce 4 Novembre, il est probable qu’au plan de la géopolitique externe, elle ne soit conduite à tourner le dos à l’actuelle posture adoptée par les théoriciens du chaos et les partisans des «Etats Unis gendarmes du monde» et à se désengager progressivement, ici où là (y compris en Afrique subsaharienne ou aux marges de l’Europe).
Bref, au pire, à se replier sur le territoire américain (en ressuscitant l’antique politique isolationniste, ce que je ne crois guère) soit, plus vraisemblablement, en changeant radicalement son échelle d’interventionnisme pour concentrer ses efforts (dans tous les sens du terme) sur l’hémisphère américain… Obama, paradoxalement, en apparence, redonnerait ainsi plus ou moins sciemment force et vigueur à la bonne vieille doctrine de «l’Amérique aux Américains», affirmée il y a bientôt deux siècle par le Président James Monroe. Au bénéfice des Etats latino américains? Quant à l’Europe, elle pourrait alors être amenée à conforter ses liens avec Moscou, perspective déjà caressée, apparemment, par Angela Merkel.
Mais ceci, pour l’instant, est une toute autre histoire.

lundi 29 septembre 2008

Le "scientisme" et le credo dans le progrès scientifique: une utopie obsolète ?

Par Jacques Soppelsa,

Il est de bon ton aujourd'hui, de se gausser des "scientistes "et des "positivistes" en rappelant, souvent hors de propos, la prophétie d'André Malraux, "le XXIème siècle sera spirituel ou ne sera pas"! Et pourtant, une approche objective des acquis du dernier demi-siècle, même superficielle, ne peut guère laisser de doutes quant aux conséquences spectaculaires de l'évolution du secteur de la "Recherche et du Développement, le fameux "R&D", dans la plupart des domaines.
Plus que jamais, le secteur "Recherche et Développement" apparaît comme la clef de voûte du progrès, en contribuant a priori à concrétiser les théories scientistes, bien que singulièrement optimistes du positivisme, voire des philosophes de la Raison du siècle précédent.

Aux Etats-Unis par exemple, moins de 100 millions de dollars avaient été investis dans le secteur de la recherche fondamentale en 1941, à l'aube de l'effort de guerre décrété par Franklin Roosevelt. Le cap des 50 milliards de dollars était franchi en 1997 ! Sur les 100 plus grandes firmes transnationales, 94 consacraient plus de 10% de leur chiffre d'affaires au secteur du "R&D" en l'an 2000. Avec les conséquences démographiques que l'on connaît au plan des grandes migrations contemporaines affectant la population active. Notamment l'apparition et l'explosion quantitative du "Drainage des Cerveaux". Entre 1960 et 1990, par exemple, quelques 120 000 "têtes d'œufs", comme on les appelle plaisamment aux States, ont été "importées" par la société nord-américaine (ce qui s'est aussi traduit, pour la première superpuissance, par une économie de formation de l'ordre de 7 milliards de dollars !) Plus de 2 prix Nobel "américains" sur 5 sont nés à l'étranger. Un "Brain Drain" qui s'effectue désormais en priorité au détriment des pays en voie de développement. Et, au delà de l'anecdote, rappelons avec Titmum "qu'en 1975, un membre de la délégation de la Banque mondiale à New Dehli avait pu noter que, sortant de la grande Ecole de médecine de Gujaret, au nord de Bombay, 85 nouveaux diplômés venaient solliciter de concert leur visa d'immigration pour les Etats-Unis.


Dans ce contexte de l'apogée des sciences et des techniques, trois domaines semblaient particulièrement privilégiés : le secteur électronique et informatique; la médecine, le nucléaire; ce dernier est, à tous égards, un facteur incontournable de l'analyse géopolitique et géostratégique du monde contemporain. Mais les deux premiers sont aussi fort révélateurs.

L'électronique ? Revenons sur quelques dates :
Le premier ordinateur (mis au point par le Pentagone, ce qui est hautement révélateur), "Mark I - SOP-Univac", réalisé à partir de 1941 est opérationnel le 10 Juin 1943 ; en 1946, c'est la réalisation de l'ENIAC ("Electronic Numerical Integrator Computer") ; en 1947, la mise au point du premier transistor au germanium par le trio Bardiew, Bertain et Schockley, chercheurs d'ATT ; les bandes magnétiques sont utilisées pour la première fois en 1949 ; la mémoire à torite de férite apparaît en 1951; les premiers circuits intégrés fonctionnent en 1955 ; les langages informatiques Fortran, Cobol, Algol, sont opérationnels entre 1956 et 1959; le premier mini ordinateur voit le jour en 1965 (cent transistors par circuit) ; le micro processeur est créé en 1969, l'année de l'expédition vers la lune. Les écrans miniaturisés et les micro disquettes apparaissent en 1980.
Et, au-delà du sensationnalisme, soulignons deux exemples concrets particulièrement édifiants. En 1989, à la veille de la disparition du système bipolaire, l'horloge atomique d'Offut, en Nebraska, dans la célèbre "Chambre de Guerre" du Pentagone, branchée sur le non moins célèbre "téléphone rouge", effectuait 9 191 671 770 oscillations à la seconde, avec une précision de l'ordre du dix milliardième de seconde. Nothing is perfect ! Et la puce de Roland Moreno, au milieu des années quatre vingt dix, de la taille d'un ongle, exécutait vaillamment jusqu'à 12 milliards d'opérations à la seconde!

Cette révolution informatique a correspondu, de facto, simultanément, à une miniaturisation de plus en plus spectaculaire des matériels, et à des possibilités croissantes de pénétration dans la quasi totalité des secteurs d'activités, des machines à traitement de textes jusqu'aux robots domestiques (les "ouvriers à col d'acier"), de l'enseignement assisté à l'intelligence artificielle, des écrans tactiles à la bio industrie, des équipements stéréophoniques aux jeux vidéos. "Ouvriers à col d'acier"... Si le XIXè siècle a vu, en effet, au plan de la population active, le relais des paysans par les "cols bleus"de l'industrie et si la première moitié du XXème siècle s'est, en la matière, caractérisée par l'épanouissement des "cols blancs" du secteur tertiaire (thème de la technostructure) au détriment des actifs du domaine industriel, ce siècle s'est achevé avec le triomphe de la robotique. Avec de lourdes conséquences:

"John, de Manhattan, ou Greg, de San Franciso, ou Brett, de Houston, voire William, à Junction Road, Missouri, est tiré de son sommeil au petit matin par un réveil à quartz à la fiabilité et à la précision rigoureuses. Le thermostat autorégulé du bain fait merveille, comme le rasoir à transistor ou le four à micro ondes du petit déjeuner. Le walkman ou le compact disc laser, dans le véhicule climatisé qui le conduit jusqu'à son bureau, tout aussi climatisé, lui fait oublier les tracas de la vie professionnelle ou l'agacement sécrété par des embouteillages souvent démentiels, en dépit du travail de titans des ordinateurs régulant la circulation. Même si Brahms ou Fats Domino sont régulièrement interrompus par la sonnerie du radio téléphone, le "bip" de l'appel à distance, ou la mélodie du portable. Au bureau, l'agenda électronique, le répondeur automatique, le téléfax ou le micro ordinateur sans clavier, réagissant au seul son de la voix, pallient l'absentéisme. Le soir, finie la corvée des sinistres sorties nocturnes; le vidéo disque peut engranger sans peine le contenu de 5 000 romans policiers ou une encyclopédie de cent volumes ! De quoi étancher la soif de culture des plus frénétiques" (in "Les rendez vous de Babylone" Alexandre Davérède)
Autre domaine particulièrement bouleversé par les découvertes et les innovations : le secteur médical et biologique.Les dernières décennies sont particulièrement riches en la matière. La pénicilline est mise au point en 1942, les neuroleptiques et les tranquillisants en 1950. La structure doublement hélicoïdale de l'ADN est mise à jour en 1953; la première synthèse d'un acide nucléique est réalisée en 1954; la première transplantation rénale en 1959; la première transplantation cardiaque (au sein, pied de nez de l'Histoire, d'une Afrique du Sud baignant, à l'époque, dans le sinistre régime politique de l'apartheid) en 1967. La première photographie d'un gène est effectuée avec succès le jour même où Armstrong et Aldrin marchent sur la Lune !

Découvertes et inventions se sont alors multipliées, pour se traduire parfois par la révélation très saisissante de l'interpénétration des sciences et des techniques. En chirurgie, par exemple, les vingt dernières années ont vu se multiplier les techniques de la paroscopie, de scientigraphie, de scanographie (premier scanner en fonction en 1976) ou d'échographie (1980). Et comment ne pas citer les perspectives introduites par l'inventaire systématique et complet du génome humain ou la première opération de télémédecine, réussie en septembre 1996, entre l'Italie et la Bosnie Herzégovine ? Le génie génétique, aux applications contemporaines particulièrement diversifiées, représente peut être l'archétype, en la matière, du domaine le plus spectaculaire et le plus controversé.

Les optimistes considèrent en effet que, par son canal, seront rapidement résolus les plus graves problèmes du monde actuel, aux conséquences géopolitiques cruciales, comme la faim dans le monde (avec la création de nouvelles espèces animales et végétales et la production de nouvelles protéines pour l'alimentation animale); l'approvisionnement en ressources énergétiques (carburol, digestion des hydrocarbures par les micro organismes; rentabilité retrouvée ou créée de maints gisements de matières premières abandonnés ou jusque là inexploités…); lutte contre la pollution; disparition de certaines maladies endémiques, avec le production d'hormones etc.

Les pessimistes dénoncent certes, non sans raison, les risques majeurs d'éventuelles dérives dans le secteur de la biologie contemporaine: l'apparition de nouvelles toxines, le développement de souches de virus de plus en plus résistantes; les déséquilibres écologiques engendrés par la croissance de nouvelles espèces; voire de manière beaucoup plus inquiétante, les dérives potentielles alimentées, à partir de 1980, par la réussite des premières expériences au plan des manipulations génétiques. Le premier embryon de veau est conçu in vitro en 1988; la première transplantation embryonnaire bovine, en 1992 et en 2002, les Américains ont cloné une quinzaine de veaux à partir d'un seul embryon ! Alors, quid des manipulations humaines ?

Dans ces premières années du nouveau siècle, les perspectives les plus pondérées inclinent à considérer comme probables, sinon raisonnables, les "projections" suivantes:
Quant à la conservation par congélation, élément incontournable des ouvrages de science fiction, en dépit de la multiplication de semblables pratiques en Amérique du Nord (où des sociétés privées, y compris de scrupules, n'hésitent pas à proposer pour une quinzaine de milliers de dollars, versés comptant, de congeler le cadavre de vos proches défunts), rien n'autorise à envisager, pour le proche avenir une quelconque résurrection. En revanche, la stricte technique du clonage (qui consiste à créer un organisme entier à partir du noyau d'une cellule prélevée sur un animal adulte) est acquise et plutôt bien maîtrisée.

Quant aux travaux actuellement accomplis sur les mécanismes du vieillissement (génétique moléculaire, décryptage des patrimoines héréditaires des êtres vivants.) la détermination de plus en plus fine de la composition des télomères (les extrémités des chromosomes), amorcée au début des années quatre vingt, est susceptible de permettre une prolongation très appréciable de la durée de l'espérance de vie humaine. Au moins, en pays développés, avec tout le cortège de conséquences sociétales qu'elle peut engendrer.
Maints instituts réputés sérieux avancent des hypothèses séduisantes, fondées notamment sur les premières leçons tirées de l'expérience des "souris mathusalem". L'Institut Européen d'Oncologie de Milan, en modifiant un seul gène du patrimoine héréditaire de la souris, a obtenu une nouvelle espèce de rongeurs dotés d'une espérance de vie supérieure de 30% à la normale). L'espérance de vie de l'être humain, à la naissance, vers 2020, pourrait grimper autour de la barre des cent ans, et les nouvelles générations pourraient atteindre allègrement, à partir de cette date, le cap des 125 printemps. Là aussi, avec des conséquences économiques et sociétales majeures.
Comme le soulignait Michel Allard, en 2004, en commentant le dernier recensement de l'Hexagone, on compterait en France, aujourd’hui, plus de 10 000 centenaires; alors qu'il n'y en avait que 200 en 1950, et 3000 en 1990 ! Selon toute vraisemblance, ils seront plus de 150 000 en 2050 ! Le concept de troisième âge est d'ores et déjà solidement ancré dans les sociétés de l'hémisphère Nord, et celui de "quatrième âge" commence à prendre, en ces mêmes espaces géographiques, force et vigueur.
Quant à l'homme, vers 2015, il pourrait vivre au rythme de la fabrication d'hémoglobine extraite de globules rouges d'animaux ou de sang artificiel extrait du perfluocarbone; à celui de la consommation de produits pharmacogénomiques ou à la base de thérapies génétiques généralisées, à l'ère des membres robotisés et des xénogreffes, pour pallier la pénurie inquiétante des organes "naturels". Après tout, dès 1999, dans son laboratoire de Reading, le Britannique Kevin Warwick n’a t-il pas inauguré la greffe sur l'être humain de puces électroniques ? On imagine, ici aussi, l'ampleur des dérives potentielles !

A fortiori, Janus plus édifiant encore, le domaine nucléaire. Mais ceci est une toute autre histoire...

mercredi 3 septembre 2008

Des secteurs d'activité économique. Proposition pour une nouvelle classification.

Par Jacques Soppelsa,

Il y a bientôt un siècle que la plupart des statistiques, y compris les plus élaborées, relatives aux secteurs d'activités économiques, font plus ou moins explicitement référence à la bonne vieille trilogie chère à Colin Clarke : secteur primaire, secteur secondaire, secteur tertiaire. Semblable approche ne manquait certes pas d'intérêt, y compris au plan des comparaisons internationales. Mais à l'heure de la globalisation et des effets induits de cette dernière, ladite trilogie peut, en bien des points, apparaître comme singulièrement réductrice. Mieux, ou pire, elle ne permet plus d'appréhender, par sa rigidité, l'évolution récente réelle de pans entiers de l'économie en générale celle de notre pays en particulier.

En prenant pour principe de base, non plus cette ventilation par types classiques d'activités économiques, mais une classification ordonnant ces activités selon leur "nature" économique et leur appartenance à telle ou telle structure de marché (compte tenu de l'évolution de l'économie mondiale, de la progressive mutation du système libéral et de son relais par une situation de facto de plus en plus complexe, juxtaposant des secteurs "ouverts" et "fermés"), nous suggérons un nouveau type d'approche, une nouvelle trilogie:

- un "secteur exposé' à la concurrence internationale, aux prix fondamentalement influencés par les prix des importations : pour l'essentiel, la plupart des industries de transformation;

- un "secteur protégé" de la concurrence internationale, où les prix d'offre sont (eu égard au comportement d'autofinancement des entreprises) déterminés par les producteurs : secteur regroupant notamment les industries du bâtiment, le secteur des transports, les activités commerciales, les services privés;

- un secteur "administré, où les prix sont fortement dépendants de la décision publique, soit directement (tels les services publics civils et militaires) soit indirectement (subventions)…

Cette ventilation, qui mériterait, certes, d'être affinée, permet de souligner d'ores et déjà le caractère plus ou moins hétérogène des systèmes économiques, la diversité des modes de fixation des prix, et les lignes de force majeures de l'évolution récente du monde du travail.

A titre d’exemple, cette approche, appliquée au cas des Etats Unis, entre 1960 et 2000, permet d'obtenir les résultats suivants:

- de 26% (1960) à 16% (2000) pour le secteur "exposé; de 50% (1960) à 54% (2000) pour le secteur "protégé" et de 24% (1960) à 30% (2000) pour le secteur "administré".

On constate ainsi, sur près d'un demi siècle, une tendance soutenue à la diminution du secteur "exposé", clef de voûte de l'ancien système capitaliste libéral, d'économie ouverte de marché; diminution qui s'effectue de manière à peu près équilibrée au profit des activités protégées (obéissant dans ses grandes lignes aux règles économiques des marché fermés) et d'un secteur "administré" dont l'évolution récente montre clairement, n'en déplaise à maints auteurs, que les Etats Unis représentent en définitive un fort bel exemple d'interventionnisme étatique !

Parions que semblable approche pourrait permettre d'appréhender les réalités économiques "objectives" de la France sous un angle moins traditionnel, voire moins sujet à caution.

mardi 1 juillet 2008

Après la loi relative aux OGM, quels enjeux politiques ?

Par Rafael MIELI ,

L’actualité sur le front des OGM se fait enfin plus calme. La loi relative aux organismes génétiquement modifiée a été publiée au journal officiel (loi n0 2008-595 du 25 juin 2008) et « la liberté de consommer et de produire avec ou sans organismes génétiquement modifiés » est donc transposée dans le code de l’environnement (Art. L. 531-2-1).

On se rappellera la campagne des présidentielles durant laquelle le parti socialiste disputait aux Verts et à José Bové le leadership dans le refus des « horreurs transgéniques » et couvrait, avec une irresponsabilité déconcertante, les actes de délinquance que le parler médiatiquement correct créditait de l’euphémisme « désobéissance civile ».

Cette année 2008 pourrait donc nous offrir, pour la première fois depuis la fin du moratoire 1997-2003, un été sans ces ravageurs du maïs très particuliers que sont les destructeurs volontaires.

Faut-il nous réjouir de ce calme retrouvé ? Oui bien sûr : quand la passion non maîtrisée se déchaîne, la raison n’a plus aucune prise, et quand la raison est submergée, la démocratie n’a plus le droit de citer.

Il n’y a certes pas que des raisons de se réjouir : nous savons à quel point la décision de suspension pour 2008 de la culture du maïs Mon810 est apparue irrationnelle à celles et ceux qui connaissent l’ensemble des qualités objectives, sanitaires et environnementales, des variétés de maïs Bt mises au point (variétés de maïs rendus résistants aux insectes foreurs) ; nous savons quelle a été l’incompréhension des agriculteurs qui cultivaient, pour certains, ces variétés depuis dix ans déjà ; nous savons à quel point l’histoire des voltefaces sur ces variétés de maïs peut apparaître ubuesque à qui se rappelle que le maïs Bt a été inventé… en France… par un chercheur… français, Philippe Gay, avant que notre pays ne se mette hors jeu par ce qu’il faut bien caractériser comme étant nos propres errements…

Mais se lamenter ne sert pas à grand-chose: admettons que du fait de l’effroyable campagne de désinformation menée depuis tant d’années il pouvait être nécessaire, une nouvelle fois, de prendre le temps de s’expliquer sur la réalité et les enjeux des biotechnologies dans l’agriculture, sur les bénéfices multiples que les consommateurs comme les agriculteurs, et pas seulement les multinationales si faciles à décrier, peuvent en retirer.

Lors du « Grenelle de l’environnement » il était clair pour tous les observateurs avisés que le chef de l’Etat, seul des présidentiables à n’avoir jamais pris de position hostile à l’utilisation des biotechnologies dans l’agriculture, avait pris la mesure de la nécessité de prendre la décision politique de suspendre la culture du maïs MON810 pour l’année 2008. Le plan médias de José Bové n’a trompé personne et on ne reviendra pas sur quelques sujets d’agacement.

La mise en œuvre de cette décision a été un véritable casse-tête pour le gouvernement : comment mettre en lumière « des faits nouveaux » permettant de faire état de « doutes sérieux » ouvrant la voie à la procédure de « clause de sauvegarde » alors même que les chercheurs de la recherche publique et les experts qui en sont issus affirmaient l’absence de fondements scientifiques pour une telle suspension ? Comment argumenter une suspension en France quand l’Allemagne, dans le même temps et sur la base des mêmes « faits nouveaux », rétablissait l’autorisation de la culture de cette variété précédemment suspendue? Comment faire comprendre aux chercheurs et aux professionnels de la filière, bien placés pour connaître ces variétés qui ne sont plus franchement nouvelles, qu’il était politiquement nécessaire de faire une nouvelle pause ?

Le gouvernement a donc du emprunter une voie étroite qui ne pouvait qu’être très diversement appréciée de sa propre majorité, elle-même traversée, comme le gouvernement, par la « querelle des OGM ». Il n’y a en cela rien d’étonnant. La science et la technologie ne sont plus perçues, par beaucoup de nos concitoyens, comme principal vecteur du progrès mais comme source de risques sanitaires ou environnementaux. Pourquoi les responsables politiques seraient-ils épargnés ? C’est ce que le député britannique Dick Taverne a appelé judicieusement The March of Unreason, et pour les progressistes, il s’agit bel et bien d’une des lignes de clivage structurantes du débat politique actuel.

L’impulsion du Président de la République a permis de porter un coup d’arrêt au laxisme des quinze dernières années dont les destructions illégales des cultures de variétés biotechnologiques autorisées ne constituaient que la partie la plus visible. Dans le même temps l’annonce gouvernementale d’un programme triennal sans précédent de 45 millions d’euros pour la recherche en biotechnologies végétales a donné le signe de la reprise de la marche en avant. En effet, Valérie Pécresse et Michel Barnier ont souligné à juste titre que les biotechnologies végétales sont porteuses d’espoirs tangibles de progrès réels, palpables, pour la santé, l’environnement, l’économie des ressources, l’amélioration des qualités nutritionnelles et sanitaires des aliments, l’amélioration des conditions de travail des agriculteurs, une agriculture durable…

Il a été dit que la décision de suspension de la culture du Mon810 pourrait être perçue « comme un signal beaucoup plus fort que les promesses budgétaires ». Il est de notre responsabilité politique, avec toutes celles et toutes ceux, de droite comme de gauche, qui s’inscrivent avec nous dans une perspective de progrès, de donner tort à ces pronostics et de faire en sorte que notre pays retrouve sa place d’excellence dans la recherche sur les biotechnologies végétales, préserve son indépendance nationale en termes de capacité technique d’innovation et d’expertise, et développe sa compétitivité en matière industrielle et agricole. Il est grand temps, en faisant l’effort de rendre l’innovation accessible et sécurisante pour nos concitoyens, de réaliser la rupture avec la frilosité craintive de ces quinze dernières années.